Jean-Paul BAILLY ou la transformation en douceur – profil 9 mu (I)EMI.

Un homme bon

Quand Francis Mer parle de celui qui deviendra un ami, il décrit Jean-Paul Bailly comme « un homme bon, ayant des convictions mais respectant l’autre ». Taieb Hafski (TH), co-auteur du livre Jean-Paul Bailly, réconcilier société et entreprise, renchérit dans la même veine : « Je suivais son activité à la RATP et j’étais surtout impressionné par ses capacités à dialoguer avec les représentants du personnel. (…) Au cours de la rencontre, il était très discret. Je voyais bien que c’était sa nature. Il était à l’aise, mais discret. Partout où il allait, Jean Paul Bailly agissait de manière pragmatique, sans mépris des adversaires, à la recherche de compromis ou de solutions qui facilitent l’action et protègent tous les intérêts en conflit. » Il apparaît comme peu préoccupé de sa propre carrière.

Le côté non-idéologue, pragmatique, fait pencher la balance pour quelqu’un d’instinctif plutôt que de mental. On pressent aussi que son côté émotionnel est moins éloigné que le mental. Après son succès à Mexico, où il dirige 15 ingénieurs, JPB débarque aux ateliers de Championnet dans un contexte très compliqué, il y sera même menacé de mort. Jean-Michel Barnier est son adjoint. Les deux dirigeants se complètent par leurs connaissances et qualités respectives. Bailly se compare à Barnier : « Un homme avec un management à la fois dur et exigeant, mais aussi humain… une meilleure communication que moi… je ne saurais pas bien faire. Je sais être humain, mais je ne sais pas être aussi dur qu’était cet homme, dans la manière de parler. » En effet, JPB est beaucoup trop humain, humaniste même, pour être franchement dur. Au Championnet, il mène la transformation attendue. S’il a réussi à apaiser les relations, même avec les syndicats, c’est bien à ses qualités relationnelles et émotionnelles qu’il le doit.

Patient

Un autre exemple de son côté empathique prononcé s’exprime, lorsqu’après 3 années très agréables comme directeur du personnel à la RATP jusqu’au départ de Christian Blanc, alors DG, le ministère nomme Francis Lorentz comme nouveau directeur. JPB traverse alors une période compliquée. Il découvre la difficulté de collaborer avec Francis Lorentz, un dirigeant dont il ne partage pas la philosophie de gestion. « C’est une des rares personnalités avec qui j’ai eu du mal parce que, fondamentalement, c’était quelqu’un qui ne faisait pas naturellement confiance. C’était autant sa responsabilité que la mienne ». La phrase est très gentille, pleine de compassion, il excuse presque Francis Lorentz qui ne devait pas être un enfant de chœur.

Au lieu de partir, ou de combattre, il choisit l’attente, ce qui caractérise une réaction émotionnelle du type « freeze » ou inhibition. Jean-Paul Bailly continue à occuper ses fonctions de directeur du personnel non sans difficulté et se réserve la possibilité de quitter l’entreprise en cas de renouvellement du président-directeur général nouvellement nommé. Quelle patience !

Dans les allocutions qu’il a prononcées, ce qui frappe c’est son ton plutôt doux, monocorde, hypnotique par moments. Il semble ménager sans cesse les susceptibilités et contrôler ses propos minutieusement pour ne pas heurter ou susciter des réactions trop vives.

Un champion du dialogue social, n’aimant pas les conflits

Un Instinctif-Emotionnel… cela peut faire pencher vers un profil NEUF. En effet, JPB est réjoui « lorsqu’il y a harmonie entre les personnes qu’il dirige. Il semble heureux lorsqu’il est capable de maintenir une certaine paix entre les personnes malgré la compétition qu’impose la vie moderne » (TH).

Nommé PDG en 1994, Bailly adopte une méthode de dialogue basée sur l’écoute et la prise en compte de chacun. C’est à cette période que Jean-Paul Bailly fait émerger la fameuse idée de l’alarme sociale. Ce dispositif se fixe l’objectif de traiter le mieux possible la continuité des services. Concrètement, il oblige les deux parties en conflit à se rencontrer en présence d’une situation conflictuelle 15 jours avant le dépôt éventuel d’un préavis de grève. « Depuis cette date-là, il n’y a plus eu de grève sans un service minimum ». L’alarme sociale s’appliquera par ailleurs dans d’autres entreprises publiques et sera à l’origine d’une évolution réglementaire en étant intégrée dans la Loi n° 2007-1224 du 21 Août 2007.

Les médias qualifient Bailly de « démineur social ». Georges Lefebvre, directeur des ressources humaines à La Poste, explique : « Il est démineur dans le sens où il attache beaucoup d’importance aux micro-signaux pour pouvoir réagir par anticipation aux éventuelles crises sociales. Je crois que profondément, c’est un homme qui n’aime pas le conflit et qui a une grande sensibilité aux individus. C’est cela qui guide son action. Il va au-delà du rôle de médiateur des organisations syndicales, il traite plutôt avec des individus au sens large et de leurs besoins à l’échelle locale. Il n’y a rien qui le meurtrit plus que quand l’un ou l’autre l’accuse d’être inhumain ».

Le métroConstructeur de décision plutôt que décideur

En 2002, il quitte la RATP, pour le groupe La Poste. Sa mission : moderniser l’entreprise, sortir d’une vision purement administrative, restructurer l’activité courrier en décroissance, créer un statut pour les services financiers de la Poste, bref, trouver un business model viable… Il s’est fixé des défis : « Il faut écouter, prendre les avis. Comme dans une maison, une entreprise se construit en commençant par les fondations et non le toit (…) ; la bonne méthode émerge, elle ne s’impose pas. La décision se construit plutôt qu’elle se prend. »

Jean-Paul Bailly consulte, s’informe et fait émerger un diagnostic. Il ne cherche pas à imposer par un rapport de force, il est dans la volonté d’établir une relation humaine avec les parties prenantes. Il est cependant déterminé, comme un tanker qui coupe ses moteurs 15 kms avant d’arriver au port et dont on ne peut changer la route. « C’est un bâtisseur qui vient dans les entreprises pour les transformer sans relâche. (…) Sa force, c’est cette conciliation entre qualité humaine d’écoute et une grande fermeté dans la volonté de conduire le changement sans vraiment s’arrêter » (TH).

Inscrit dans un temps long

Dans une perspective de durée, Jean-Paul Bailly compose son équipe de direction pour mener la transformation. « Je pars toujours de l’hypothèse qu’on peut travailler avec les gens en place. Sur certaines activités, j’ai senti le besoin d’un renouveau, d’un regard différent ». Il recrute de nouvelles personnes sur la base de leurs qualités relationnelles et de leurs capacités à bousculer les choses. « Bousculer certes, mais dans le temps. En effet, c’est une alchimie très progressive. Je ne suis pas un homme de rupture mais d’une adaptation vigoureuse ».

JPB a été renouvelé 2 fois dans ses mandats à la tête de la Poste. C’est en 2013 qu’il annonce son intention de quitter. Il écrit un communiqué dans lequel il prend le soin dire qu’il souhaite un passage de relais harmonieux avec son successeur, qui sera Philippe Wahl. Il recevra plus tard le titre honorifique de Président d’honneur. Mais auparavant, Bailly a eu à gérer une crise importante, dans laquelle il a laissé beaucoup d’énergie.

La poste devient une SAGérer la crise par le dialogue

En mars 2012, deux postiers se suicident. Au Conseil d’Administration, Jean-Paul Bailly explique avec une ferme volonté son intention de mieux comprendre ce qui s’est produit, de poursuivre l’exploration afin d’envisager de nouvelles solutions : « En tant que responsable de l’entreprise, entre la culpabilité et le déni, je m’efforce continuellement à trouver le bon point d’équilibre. Les situations de ce type-là sont très difficiles à comprendre et à appréhender… »

Pour faire face à la crise, le 19 mars 2021, il annonce 4 mesures :

  1. Il suspend le processus de transformation engagé ;
  2. Il nomme une médiatrice de la vie au travail, Dominique Blanchecotte, qui pourra être saisie par chaque postier, par les OS, l’assistance sociale, etc. Elle devient membre du Comex ;
  3. Il lance une démarche de large consultation, qui fut appelée le « Grand Dialogue », afin de comprendre de façon approfondie ce qui se passait dans l’entreprise ;
  4. Il nomme Jean Kaspar à la tête de cette mission et crée une Commission du Grand Dialogue de la Poste, qui a pour vocation d’être un haut lieu d’échanges ouvert et tourné vers l’extérieur, et qui peut procéder à toutes les auditions et visites nécessaires.

Diplomate porteur d’une voix médiane

« Les dirigeants comme Bailly ne croient pas au jeu à somme nulle. Ils croient que tous peuvent gagner. » À son départ, Jean-Paul a laissé une Poste transformée, modernisée, il s’est battu pour obtenir un statut de Société Anonyme (SA), certes, mais à capitaux 100% publics. Cette solution médiane a été trouvée pour contourner le conflit avec les syndicats, en réconciliant au passage économique et social ! La philosophie de Bailly manie le paradoxe : « Il faut que tout change pour que rien ne change. Il faut que La Poste change complètement pour rester La Poste, pour rester ce que les Français attendent d’un service public postal contemporain et non d’il y a 50 ans. Pour réussir cette transformation indispensable, il faut s’appuyer sur les valeurs profondes d’une entreprise. On ne peut rester fidèle à soi-même qu’en changeant. »

En janvier 2019, il devient l’un des cinq « garants » du grand débat national organisé pour répondre à la crise résultant du mouvement des Gilets jaunes

Tout semble converger vers le NEUF chez Jean-Paul Bailly. « Jongler avec les paradoxes qui permettent un comportement équilibré chez lui et chez les autres semblait être sa voix vers le bonheur. » (TH) Sa hiérarchie des centres est probablement (I)EMI. L’hypothèse 9µ semble solide, avec une intégration en SIX que l’on voit poindre dans son dévouement pour le service public. Il « s’est attaché à respecter la culture profonde et les valeurs de l’entreprise. Il se situe plus dans une évolution qu’une rupture. Changer le comportement de centaines de milliers de collaborateurs, certes, mais sans y perdre son âme, sans renoncer aux valeurs du service au plus grand nombre et du soutien aux personnes qui sont en difficultés. » (TH)

Une désintégration en TROIS, avec repli sur soi et manque d’authenticité, dont on a trouvé peu d’éléments dans les ouvrages consultés. Difficile de trouver des défauts à cet homme, modèle de manager au service d’une vision commune. Greenleaf aurait vu en lui un exemple de servant leader.

Citations

« Dans le Grand Dialogue, JPB a beaucoup réagi de manière intuitive [ndlr. comprendre instinctive]. Il a réagi juste. »

Sa philosophie du management

Ma philosophie de management est fondée sur la responsabilisation, donnant à chacun des objectifs, des leviers et des outils pour réussir, et être exigeant sur les résultats. Cette philosophie est dite des « 3 S » et repose sur la confiance. Elle est valable du président au chef d’équipe.

Le Sens : être capable d’expliquer aux gens où nous sommes et où on va et pourquoi, ce que l’on attend d’eux.

Le Soutien : créer les conditions du succès pour tous les collaborateurs de l’équipe : la compétence, l’efficacité de l’organisation, la qualité des outils, le cadre de travail, les systèmes de motivation, la performance de la logistique. On va travailler dans un cadre où les conditions soient le mieux remplies possible pour que chacun réussisse.

Le Suivi : s’assurer que les résultats sont atteints. C’est la phase d’évaluation.

 Sa vie en bref

Jean-Paul Bailly est né à Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais en novembre 1946 ; il a été profondément marqué par l’esprit de solidarité et de chaleur humaine caractéristique de la culture du Nord de la France. quand il est âgé de 8 ans, sa famille déménage au Maroc. Son père est ingénieur dans les Houillères. Pour suivre l’école, il loge dans une famille locale où il découvre la culture et les us et coutumes du pays. Il est frappé par la générosité et le sens du partage de personnes qui a priori manquent de tout. La famille connaît une période d’instabilité dans la région du Maghreb à cause de la guerre d’Algérie.

En 1961, Jean-Paul retourne en France et s’installe à Paris pour ses études. Ingénieur de l’École Polytechnique en 1967, il obtient en 1970 un Master of Science en Management à la Soan School Massachusetts Institute of Technology près de Boston.

Jean-Paul Bailly a consacré sa carrière au service de la transformation des organisations publiques depuis 1970, dont un séjour de 4 ans au Mexique. Il a occupé jusqu’à ce jour des fonctions de dirigeant parmi les plus élevées dans le secteur public en France.

En témoigne cette liste impressionnante :

1970 : 1er poste d’ingénieur à la RATP.

1978 : il part à la RATP à Mexico, où il dirige 15 ingénieurs.

1982 : il retourne au siège parisien de la RATP sans véritable fonction puis est nommé responsable de l’atelier Championnet dans le 18e (révision et maintenance).

1989 : il devient directeur du personnel RATP.

1994 – 2002 : il accède au poste de président-directeur général à la RATP.

2002 – 2013 : un changement important intervient, il dirige le Groupe La Poste.

Jean-Paul Bailly a passé toute sa carrière dans le secteur public, selon lui : « au service de la réussite de l’entreprise et donc au service des Français par la qualité du service qui est rendu ».

Les valeurs qu’il a héritées de ses parents sont : « rester optimiste, garder un équilibre entre la vie scolaire et un bon environnement familial, être ouvert sur les autres, faire preuve de générosité. » Lors de ses études américaines, il y ajoutera : « la confiance a priori. »

Les caractéristiques majeures du neuf mu

1.     Sa Genèse (ses premières expériences d’être au monde) : « Le monde est agité et abîmé par des conflits, des rivalités, des cataclysmes… je m’y sens de trop. »

2.     Sa Devise (ce qui fait qu’il se sent vivant, son idéal du moi) : « Je dois être calme et me sentir en harmonie pour exister. »

3.     Son Orientation (ce qu’il recherche dans la vie) : l’harmonie, l’acceptation, la tranquillité.

4.     Sa Compulsion (ce qu’il évite de façon récurrente dans sa vie) : les conflits, les ambiances agressives.

5.     Son Mécanisme de défense (qui lui permet de maintenir intacte sa devise) : la narcotisation ou numbing = « Je consomme passivement (pêche, TV, lectures, jeux vidéo, alcool…) au lieu d’affronter une situation. »

6.     Sa Triade infernale (qui se manifeste quand il ne va pas bien) :

–       Passion : Apathie « Je ne ressens rien de spécial. »

–       Idée Fixe (fixation) : Oubli de soi : « Je ne dois pas me mettre en avant, je dois faire passer mes besoins au second plan. »

–       Défaut majeur : Indolence, inertie : « Je n’agis pas, je ne choisis pas, je remets à demain les décisions. »

7.     Son Trio vertueux (qui se laisse voir lorsqu’il va bien) :

·       Vertu : Élan « Je me sens déterminé, en mouvement. »

·       Idée supérieure : Amour propre « Je perçois mes besoins, mes bonnes raisons. »

·       Sa qualité sublimée : Force « J’agis, je décide, je tranche. »

8.     Son Intuition : « Je ressens les bonnes raisons des points de vue des autres. »

9.     La Hiérarchie de l’utilisation des centres d’Intelligence du 9 variante µ : Instinctif bidirectionnel comme tous les 9, puis Émotionnel, et co-répression du Mental et, sous stress, de l’Instinctif, son propre centre – noté par convention (I)EMI.

 

Sources