Le « cas » Sarkozy
Il y a différentes les hypothèses de profil pour Nicolas Sarkozy. Eric Salmon le voit plutôt en SIX soulignant son double caractère phobique et contraphobique. Cette vision trouve d’ailleurs un écho dans le livre de Marie-Eve Malouines sur l’ex-président de la république intitulé Nicolas Sarkozy, le pouvoir et la peur. En revanche Fabien Chabreuil le place en HUIT soulignant ainsi son caractère instinctif, autoritaire, assuré, grossier. Repensons ici au « Casse-toi pauvre con » ou au discours vindicatif promettant de nettoyer la racaille des banlieues au karcher… Fabien Chabreuil a d’ailleurs écrit un document très fouillé pour justifier son choix.
Ceci étant dit, les deux hypothèses sont intéressantes à étudier. Pour ma part quelques éléments des actes et pensées de Nicolas Sarkozy m’ont fait pencher pour une troisième hypothèse. Le TROIS α. Pour étayer cette hypothèse, il convient de valider les caractéristiques du profil. Voici quelques pistes.
Genèse : comme beaucoup de TROIS, Nicolas Sarkozy a « grandi dans la tendresse maternelle » car son « père était absent. » 1
Il a hérité de la place du puîné (un grand-frère le précède et un petit frère le suit). Il a ainsi souffert de ne pas être le préféré ni de sa mère ni de son père et cela a généré une image négative de lui-même. Il s’est senti mal-aimé et un grand besoin de reconnaissance s’est fait jour. Cela explique qu’il a cherché à être le préféré en épatant tout le monde, dont son père. « Aller au bout de soi-même, c’est toujours ce que j’ai voulu. » 2
De Sutter et Risser caractérisent le phénomène de « narcissique compensatoire » et ils écrivent que pour lui « tout ce qui brille, tout ce qui est prestigieux permet de restaurer une image dévalorisée de soi et de montrer aux autres qu’on a de la valeur. » 3
Devise : je brille, je réussis donc je suis.
Elle est clairement validée ! De Sutter et Risser disent que sa devise pourrait être : « ceux qui sont avec moi, sont avec moi, ceux qui ne le sont pas, sont achetables.» Là où un 8 aurait plutôt dit « ceux qui sont avec moi je les protège, ceux qui sont contre moi je les détruis ou je les ignore. »
En effet, toute sa vie Nicolas Sarkozy fils d’immigré hongrois, habitant Neuilly, a rêvé de s’élever au même niveau social que ses camarades de classe de l’époque. Il a travaillé dur pour cela. Comment ne pas penser ici à son choix de s’orienter vers la profession d’avocat ? Dans livre Témoignage de 2006 voilà ce qu’il écrit de lui « D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours voulu agir. (…) Transformer le quotidien, rendre l’impossible envisageable, trouver des marges de manœuvre, voilà ce qui m’a toujours passionné. (…) J’ai exercé le métier d’avocat et je l’aime. » Marie-Eve Malouines renchérit : « Nicolas Sarkozy a décidé qu’il ne se consacrerait pas uniquement au métier d’avocat, il serait une star de la politique. » Le désir de briller peut-être… Pensons à sa capacité à rebondir sans cesse malgré les multiples affaires qui lui pendent au nez, car c’est « dans l’adversité que Nicolas Sarkozy donne le meilleur de lui-même »3 face aux challenges.
Orientation : le succès, la victoire, le pouvoir et l’argent.
« Dans le système de Nicolas Sarkozy, l’argent assure une sécurité, mais ce n’est pas tout, il constitue aussi un étalon. Il permet de mesurer la réussite, quelque soit le domaine où l’on exerce sa passion. (…) L’argent est ce qui marque la victoire. (…) Nicolas Sarkozy aime les gens qui gagnent de l’argent (…) Pas pour leur argent en soi, mais en tant que signe extérieur de leur réussite. »1
Compulsion : il fuit l’échec par tous les pores de sa personne.
« Car Nicolas Sarkozy vit dans la compétition permanente. (…) Vaincre ce sentiment d’illégitimité conduit Nicolas Sarkozy à se comparer en permanence. Il ne veut pas être excellent, il veut être le meilleur, et constamment démontrer cette supériorité. »1
Mécanisme de Défense : l’identification.
Il se pétrit de modèles et de figures qu’il cherche dans les grands hommes. Citons ici Philippe Seguin pour qui son admiration est sans borne. Ajoutons De Gaulle, son beau-père Benedict Mellah, Georges Mandel, Achille Peretti, Charles Pasqua. etc. « Quand on est son ami, il faut l’épater. Ne pas lui poser de problèmes sans proposer de solution » souligne Pierre Charon.3
Passion : la vanité.
Pensons à sa sortie au Fouquets le soir de son élection en 2007, au temps passé dans la foulée sur le yatch de M. Bolloré… Franz-Olivier Giesberg qui connaît bien Sarkozy dit de lui que « cet homme est ouvert à tout vent. Il peut changer d’idées, d’amis et d’alliances comme de chemise. »4 « Pour Nicolas Sarkozy, le besoin de paraître est si intense qu’on imagine combien le récent retrait qu’il s’impose a dû être difficile. »3
Fixation : Inauthenticité.
Rappelons-nous sa fameuse distinction entre vérité et authenticité : « Je ne prendrai pas les responsabilités les plus importantes de notre pays sur la base du mensonge, fût-il consenti. Car le mensonge durant la campagne se paie au prix de l’immobilisme durant le mandat. Je n’oppose pas au mensonge le mot vérité. Je lui préfère celui d’authenticité, tant j’ai pris conscience qu’avec le temps et l’expérience que la vérité pouvait être multiple… »2
Défaut majeur : la frime et le mensonge.
C’est un professionnel tout comme son ennemi Jacques Chirac appelé « super menteur ». Validé par ses épisodes au Fouquets, avec Bolloré, son style, sa propension à parler en « je » tout le temps ; à se mettre en avant. Son retour en politique pour la campagne 2017 va dans ce sens : difficile pour lui de rester dans l’ombre à jouer les seconds rôles.
Intuition : ce qu’attendent les gens : c’est un art où il excelle.
Il dégage une formidable capacité de persuasion et ses meetings sont fervents et plein d’émotions. Un de mes clients me racontait que sa venue dans son entreprise en 2007, lors de la campagne, avait fait l’unanimité même chez les ouvriers qui votaient habituellement plutôt à gauche ou FN. Il avait su leur servir ce qu’ils attendaient.
Le non-verbal
René Zayan auteur remarqué d’un reportage sur les politiques intitulé « coupez le son ! », spécialiste de non-verbal relève quelques caractéristiques majeures : beaucoup de tristesse, notamment des micro-expressions de tristesse ultra présentes, de la préoccupation pour des soucis présents. « C’est un nerveux avec des tics. » Il donne à voir un sentiment d’agressivité (mâchoire qui avance) et de dégoût. Une peur sociale se manifeste qui le rend prêt au compromis, à l’accommodement.
Hiérarchie des centres : (E)IME.
Il est assez clair que Nicolas est un émotionnel qui se cache, il cherche à être aimé, à plaire, à séduire. Il donne de lui une fausse image de personne sévère et dure. De Sutter et Risser, qui ont étudié des candidats avec l’approche des Big Five et le questionnaire de Millon, écrivent : « Ainsi le candidat qu’on peignait en Machiavel, manipulant la presse avec art et sang-froid, s’est révélé être un émotif, incapable de supporter que celle-ci prenne ses distances (ce qui est pourtant son rôle). (…) Certains de ses traits sont à la limite du dysfonctionnel, notamment l’axe 10 qui signale l’instabilité émotionnelle. »
Un épisode récent confirme le côté émotionnel. L’émission « Le mystère Poutine » diffusée sur France 2 en décembre 2016 montre l’entretien en 2007 de Poutine et de Nicolas Sarkozy lors du G8. Sarkozy, fraîchement élu Président de la France, annonce qu’il va dire ses quatre vérités à Poutine sur des dossiers comme la Tchétchénie, les assassinants de journalistes, le statut des homosexuels etc. Lors de l’entrevue, Nicolas commence et aborde les sujets… Vladimir le laisse parler et au bout d’un moment, après un grand silence presque gênant, il s’exprime : « ça y est tu as fini là ? » Puis il poursuit en rappelant que la France est un tout petit pays alors que la Russie est énorme. Et là il lui assène un « si tu continues à parler comme ça, je t’écrase » ; cette phrase de Vladimir va déstabiliser Nicolas au point que les journalistes penseront que Sarkozy est ivre lors de la conférence de presse qui suit. Sarkozy a vécu un traumatisme émotionnel fort, d’autant que d’après les témoignages Poutine a usé d’insultes, d’injures à son encontre, bref il ne sait plus où il habite. Ceci est typique du fonctionnement d’un TROIS qui s’est fait sonner.
Interrogé sur François Hollande, voici ce que Sarkozy disait en 2012 lors de la campagne : « C’est un homme intelligent. Je n’ai jamais eu de problème particulier avec lui… C’est quelqu’un qui a du mal à dire non. Il a été 10 ans à la tête du parti socialiste et pendant dix ans, la ligne du parti était floue. » Un journaliste politique sur BFM TV commentait le soir même en disant que Sarkozy fonctionnait aussi comme cela avec son entourage : il a du mal à dire non, a horreur du conflit et fonctionne à l’affectif (Hollande de profil NEUF α est l’ombre/désintégration de Sarkozy) ! Ils ne se supportent d’ailleurs pas trop… A titre d’illustration, Sarkozy s’est montré assez complaisant dans les affaires des cigares de Christian Blanc, du permis de construire d’Alain Joyandet et du soupçon de harcèlement sexuel sur Georges Tron. Dans cette dernière affaire, il a
promis de réagir durement mais, en fait, il se serait montré incapable d’exiger le départ de ce membre de l’équipe gouvernementale. Il a fallu la pression médiatique pendant 6 jours pour que Tron soit finalement sorti.
D’ailleurs Isabelle Balkany dit de lui qu’il n’est « ni brutal, ni comminatoire et qu’il déteste humilier et blesser. »3 Son ami Michael Darmon avance qu’ « au fond il est l’inverse de ce qu’il montre : un affectif qui déteste virer et n’aime pas le conflit. »3 Il a confirmé cela dans une émission Des paroles et des actes sur France 2, le 6 mars 2012. Le journaliste demande : « Votre défaut qui vous agace le plus et le moins compatible avec votre fonction ? » Réponse : « Spontanéité, émotivité et sensibilité. J’ai du mal à ne pas m’indigner des choses que je trouve révoltantes », glisse-t-il. Votre qualité ? « L’énergie, j’ai toujours pensé qu’on pouvait faire d’une petite vie un destin ». On remarquera au passage que ce sont deux qualités…
Marie-Eve Malouines poursuit le portrait en avançant que : « Autre paradoxe la relation ambiguë de Nicolas Sarkosy à l’affect. Sur certaines décisions, l’affect domine. (…) Mais dans le même temps il ignore totalement la gestion humaine dans ses réflexions. (…) S’il entre en empathie, c’est pour séduire, pas par sympathie. Nicolas Sarkozy peut déployer une énergie considérable à comprendre les émotions d’autrui, ses attentes, sa sensibilité, sa fragilité. Mais c’est pour mieux conduire l’autre à adhérer à sa propre démarche. Il ne partage aucune de ses émotions. Elles n’entrent pas en résonance avec ses sentiments personnels. »1
Ainsi c’est donc souvent l’instinctif qui est aux commandes par substitution, et qui se manifeste par son goût pour l’action, son langage fleuri, sa tendance à cliver et qui peut le faire passer pour un HUIT par moment. Ensuite, il semble que le centre mental vienne en troisième. En dernier, on retrouvera le centre émotionnel rejeté, ce qui explique ses tics de haussement d’épaule et le fait qu’il puisse paraître froid, dur et peu expressif par moments.
L’hypothèse TROIS semble solide, la variante α également.
[/et_pb_text][/et_pb_column][/et_pb_row][/et_pb_section]1 In Marie-Eve Malouines Nicolas Sarkosy, le pouvoir et la peur. Stock 2010.
2 In Témoignage, Fixot 2006.
3 In Dans la tête des candidats, le profil psychologique des présidentielles de Pascal de Sutter et Hélène Risser —Arènes, Paris, 2011
4 In Monsieur le président, scènes de la vie politique 2005-2011.