Dans leur choix d’orientation professionnelle, les jeunes étudiants sont de plus en plus sensibles aux valeurs vécues, réelles de l’entreprise. J’accompagne depuis plus de 10 ans de jeunes ingénieurs au cours de la formalisation de leur projet professionnel et je constate cette tenfance nette depuis quelques années.
Moins de communication, plus de vérité
Stop au pipeau, stop aux belles affiches qui restent lettres mortes dans les salles communes des compagnies, stop aux jolis mots affichés sur les sites web… C’est juste aujourd’hui insupportable. L’affichage ne suffit pas. On constate le même phénomène qu’en politique : sur le plan des valeurs les jeunes sont hyper exigeants. Cela se manifeste nettement lors des entretiens d’embauche. Les questions portent autour du sens, du respect des valeurs, de la politique RSE de l’entreprise, sur la cohérence interne, sur la légitimité de la hiérarchie… Et l’on voit ainsi fleurir des entreprises qui ont compris cela et formulent leurs valeurs sous forme de phrases compréhensibles par tous et qui les critérisent. 
Critériser les valeurs pour les rendre accessibles
Un critère exprime ce qui fait que concrètement cette valeur est vécue. Par exemple Bla-Bla-Bla-Car définit l’une de ses valeurs l’audace ainsi : « échoue – apprends – réussis ». Cela se traduit dans le quotidien par des réunions régulières au cours desquelles les salariés sont invités à débriefer de leurs échecs pour apprendre et performer par la suite. Facebook traduit la même valeur par « que feriez-vous si vous n’aviez pas peur ? ». Pas de version bêta chez Facebook, les améliorations, les innovations sont mises rapidement en ligne, et chacun accepte de se tromper et d’en tirer les conséquences pour rectifier le tir au plus vite. (*)
Moins de décrets et plus de collaboration
Fini le temps des valeurs assénées par une direction en mode Top-down sous forme de charte schématique. Les jeunes salariés aspirent à participer et à exprimer leurs valeurs. Tony Hsieh a bien compris cela ; dans son livre l’Entreprise du Bonheur qui raconte l’histoire de sa société, il fait parler les salariés qui livrent leur témoignage et dessinent ainsi les valeurs de Zappos.
Une entreprise managée par les valeurs, une utopie ?
Vous pouvez penser que vouloir manager en s’appuyant sur les valeurs rélève d’un doux rêve. Jusqu’au moment où vous aurez lu la magnifique biographie d’Yvon Chouinard Homme d’affaires malgré moi. Le fondateur de Patagonia, en contant son histoire, illustre parfaitement qu’il est possible de mettre ses actions d’entrepreneurs en cohérence avec ses valeurs personnelles et collectives. Patagonia a connu une crise interne à un moment de son histoire en 1991 (**), et c’est grâce à la conscience de Chouinard que l’entreprise faisait n’importe quoi à ses yeux, puis à un travail collectif sur la formulation de valeurs partagées qu’elle s’en sortie haut la main.
Alors comment faire ?
Des techniques d’émergence collectives et participatives existent. Elles permettent d’associer chaque salarié non pas de A à Z sur toutes les étapes, mais de les prendre en compte et de mettre à jour des valeurs actualisées et vécues dont chacun se sente plus facilement porteur que lorsqu’elles sont décrétées et intellectualisées à outrance pour faire bien, pour faire vendeur.
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(*) cf. le fameux slogan de la Silicon Valley « fail fast, fail often » !
(**) En 1991, Patagonia est amené à se séparer d’une bonne centaine de collaborateurs, car la croissance habituelle et attendue n’est pas au rendez-vous. Leur budget a été fait avec 40% de croissance prévisionnelle et ils ne sont qu’à 20% ! Chouinard réalise alors que c’est n’importe quoi, cette fuite en avant vers le toujours plus de croissance n’a pas de sens. Il révise alors son modèle et emmène ses directeurs en Patagonie pour plancher sur les fondements de l’entreprise. De là ressortira une charte des valeurs forte et exigeante qu’un des membres du CA rédigera ensuite.